Le Mali, avec ses quelque 500 000 colonies d’abeilles et une production annuelle avoisinant les 2 000 tonnes de miel, possède un riche patrimoine apicole. Loin de se limiter à la production de miel et à la pollinisation, les abeilles pourraient désormais jouer un rôle inattendu, celui de sentinelles de la santé humaine.
D’après une étude menée en Australie, le venin d’abeille — et en particulier la mélittine, l’un de ses peptides actifs — démontre un effet foudroyant sur les cellules du cancer du sein triple négatif. En laboratoire, il a suffi de moins d’une heure pour que la mélittine détruise 100 % des cellules tumorales, tout en épargnant les cellules saines. Elle agit en perforant la membrane des cellules cancéreuses et en neutralisant les signaux qui favorisent leur prolifération.
« Le cancer du sein triple négatif est celui sur lequel nos traitements d’aujourd’hui – radiothérapie, chimiothérapie – ne marchent pas très bien. […] Là, on a l’impression de toucher à une substance qui serait une super-chimiothérapie, en particulier sur ces cancers », explique Mahasti Saghatchian, oncologue à l’Institut Gustave-Roussy.
Une thérapie accessible, sans sacrifier les abeilles ?
La mélittine peut aujourd’hui être synthétisée en laboratoire. Ce qui ouvre la voie à une production médicale sans dépendre directement des colonies d’abeilles. C’est une avancée capitale pour envisager des traitements à grande échelle tout en protégeant ces pollinisateurs essentiels à notre écosystème.
Mais il reste un long chemin avant d’imaginer une mise sur le marché. Les résultats prometteurs sont encore confinés aux laboratoires. Avant toute utilisation chez l’humain, des essais cliniques rigoureux et à large échelle sont indispensables.
Pour autant, l’espoir est bien réel. Car dans des pays comme le Mali, où l’accès aux traitements anticancéreux de dernière génération est souvent un luxe, une telle découverte peut ouvrir une fenêtre vers des solutions moins coûteuses et potentiellement locales.
Quels défis et perspectives pour le Mali ?
À ce jour, aucune recherche locale n’a été identifiée sur l’application du venin d’abeille au traitement du cancer au Mali. Pourtant, les conditions sont réunies pour initier un projet pilote : un cheptel apicole conséquent, des savoirs traditionnels bien ancrés, et une communauté scientifique ouverte à l’innovation.
Pourquoi ne pas rassembler des apiculteurs, chercheurs, médecins et décideurs politiques autour d’une initiative nationale ? Le Mali pourrait alors non seulement valoriser un savoir-faire local, mais aussi proposer une voie thérapeutique originale dans une région où l’accès aux médicaments est limité.
Un tel projet aurait un double bénéfice. Médical et environnemental. En intégrant la santé humaine à la protection des abeilles, le pays pourrait tracer une voie innovante et durable. Créer un centre d’étude sur les venins thérapeutiques au Sahel ne relèverait pas de l’utopie, mais d’une stratégie ambitieuse et réaliste.
Et si, en sauvant les abeilles, nous protégeons aussi les femmes ? Le Mali a les cartes en main. Il ne reste qu’à jouer la partie.
••••••
Cet article a été écrit par Mardochée BOLI et approuvé pour publication par la rédactrice en chef de Sciences de chez Nous, Fatimatou Diallo.
➤ Bien que nous ayons mis en place un processus éditorial robuste et bien rodé, nous ne sommes qu’humains. Si vous repérez des erreurs ou des coquilles dans nos productions, veuillez-nous en informer par courriel à l’adresse : correction@sciencesdecheznous.com.