Alerte, la fièvre typhoïde devient résistante aux antibiotiques

Une étude publiée en août 2022 dans The Lancet Microbe met en garde contre l’évolution rapide de Salmonella Typhi, la bactérie responsable de la fièvre typhoïde, vers des formes de plus en plus résistantes aux antibiotiques. Une dynamique inquiétante qui compromet sérieusement l’efficacité des traitements actuels et les capacités de contrôle de la maladie.

Au fil des trente dernières années, la résistance de Salmonella Typhi aux antibiotiques oraux s’est accentuée et s’est propagée. Les souches dites « extrêmement résistantes » (XDR) ne répondent plus aux traitements classiques comme l’ampicilline, le chloramphénicol ou le triméthoprime/sulfaméthoxazole, et montrent désormais une résistance croissante aux fluoroquinolones et aux céphalosporines de troisième génération, pourtant considérées comme des antibiotiques plus récents et généralement efficaces.

Cette résistance est un phénomène mondial, avec une majorité des cas XDR provenant d’Asie du Sud. Mais la diffusion internationale est avérée, avec près de 200 cas de transmission hors de cette région depuis 1990, notamment vers l’Afrique de l’Est et australe, ainsi que vers des pays occidentaux comme le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada.

Des cas graves signalés au Mali 

Au Mali, la typhoïde est endémique. D’après l’étude de 2021 sur la charge mondiale de la maladie, le pays a connu au moins  30 345 cas de typhoïde entraînant la mort de plus de 466 personnes. 

Une étude menée à Bamako a montré que les complications graves, telles que les perforations intestinales dues à la typhoïde, touchent majoritairement les enfants, avec près de 65 % des interventions chirurgicales liées à ces perforations chez les moins de 15 ans. Ces complications augmentent la mortalité et les coûts de soins.

Par ailleurs, une thèse publiée par Sawadogo Néhémie a identifié une résistance notable aux antibiotiques couramment utilisés au Mali. Il s’agit de l’amoxicilline, de l’amoxicilline/acide clavulanique et de la ciprofloxacine, bien que les taux restent inférieurs à ceux observés dans d’autres régions du monde. La résistance aux céphalosporines de troisième génération et à l’azithromycine, qui sont des alternatives thérapeutiques, est une menace émergente. 

Le rôle clé des vaccins

Pendant que la fièvre typhoïde continue de faire des ravages dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les vaccins apparaissent plus que jamais comme la meilleure ligne de défense. En l’absence de traitement, jusqu’à 20 % des cas peuvent être mortels, et la maladie touche encore chaque année près de 11 millions de personnes dans le monde.

Face à l’émergence de souches de Salmonella Typhi résistantes à l’azithromycine — dernier rempart thérapeutique oral —, l’appel des scientifiques se fait pressant. « L’émergence récente de Salmonella Typhi XDR résistant à l’azithromycine rend plus urgente l’expansion rapide des mesures de prévention, y compris l’utilisation de vaccins conjugués contre la typhoïde dans les pays d’endémie typhoïde », alerte Kesia Esther da Silva, coautrice de l’étude parue dans The Lancet Microbe. Le Mali, où la maladie reste endémique, est directement concerné.

L’Organisation mondiale de la santé recommande depuis 2018 une dose unique de vaccin antityphoïdique conjugué (VTC), administrable dès l’âge de six mois. Ces vaccins, jugés sûrs et efficaces, permettent de prévenir entre 79 % et 85 % des cas, avec une protection pouvant durer au moins quatre ans.

Pourtant, malgré ces recommandations, le Mali n’a toujours pas déployé les VTC à l’échelle nationale. Une inertie préoccupante, d’autant que des pays voisins comme le Burkina Faso ont déjà intégré ces vaccins dans leur programme de vaccination infantile, devenant ainsi pionniers en Afrique francophone.

L’introduction des VTC au Mali représenterait un investissement stratégique et rentable, même sans subvention externe, dans un contexte où les résistances antimicrobiennes réduisent drastiquement les options de traitement. Tant que l’accès à ces vaccins restera limité, le pays restera vulnérable à de nouvelles flambées épidémiques et à des complications potentiellement fatales.

••••••

Cet article a été écrit par Mardochée BOLI et approuvé pour publication par la rédactrice en chef de Sciences de chez Nous, Fatimatou Diallo. 

➤ Bien que nous ayons mis en place un processus éditorial robuste et bien rodé, nous ne sommes qu’humains. Si vous repérez des erreurs ou des coquilles dans nos productions, veuillez-nous en informer par courriel à l’adresse : correction@sciencesdecheznous.com.

vous pourriez aussi aimer
Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.