Le biochar, une recette pour améliorer la production agricole

Dans la localité de Yindji, située dans la commune de Ngambé Tikar (dans le Centre du Cameroun), de nombreuses agricultrices ont été formées à la fabrication et à l’utilisation du biochar, un engrais biologique obtenu à base de tiges de maïs pour enrichir les sols avant les semis.

« Après la formation, nous avons poursuivi avec la pratique. Une fois le biochar produit avec les résidus de maïs, nous avons procédé à la mise en place des parcelles expérimentales [de champs de maïs], explique Rodrigue Kenne, responsable de l’agriculture durable au sein de l’association Assainissement.

« Des poquets ont été faits pour appliquer le biochar avant de semer. Cette phase achevée, nous avons continué avec le sarclage, le binage et la collecte des données de croissance chaque mois jusqu’à la récolte. Les résultats des variables de croissance et de rendements du maïs ont été satisfaisants dans l’ensemble », se réjouit-il.

“La production du biochar offre une opportunité de valorisation des résidus agricoles et des déchets organiques, transformant ce qui serait autrement un déchet en une ressource précieuse”

Magloire Tene, chef de projet, FODER

La technique du biochar à base de tiges de maïs est vulgarisée par l’ONG Forêts et développement rural (FODER) et ses partenaires dans le cadre du projet « Dissémination des innovations pour un développement durable en zone rurale ».

Son processus de fabrication comprend plusieurs étapes clés, chacune étant « cruciale » pour obtenir un produit de haute qualité, précise Magloire Tene, chef du projet.

Après la sélection de la matière première, notamment des tiges et rafles de maïs ainsi que toute la biomasse sèche trouvée dans les champs, la préparation et le calibrage, la matière première est ensuite chauffée à des températures élevées, généralement entre 300 et 800 degrés Celsius, dans un environnement anaérobie (sans oxygène), ajoute-t-il.

« Ce processus de chauffage provoque la décomposition thermique de la matière organique en deux produits principaux : le biochar (solide) et les gaz (principalement des gaz combustibles comme le méthane, l’hydrogène et le monoxyde de carbone). Ces gaz peuvent être récupérés et utilisés comme source d’énergie pour maintenir la pyrolyse ou pour d’autres applications énergétiques », explique le chef de projet.

Rendement élevé

Le biochar peut être utilisé comme amendement du sol. « Lorsqu’il est ajouté aux sols agricoles, il améliore leur structure, leur fertilité, en augmentant leur capacité à retenir les nutriments et l’eau, favorisant ainsi une croissance optimale des plantes. Le biochar aide également à augmenter la capacité du sol à retenir les nutriments, réduisant ainsi le besoin en engrais chimiques », fait savoir Magloire Tene.

Outre la localité de Yindji, plusieurs phases expérimentales pour évaluer l’utilisation du biochar dans différentes conditions agricoles ont été menées pendant trois saisons de culture du maïs (de 2022 à 2023) dans le département du Mbam et Kim (Centre), notamment dans le village Ndjamé et à Yoko.

À Ndjamé, six parcelles (1000 m² chacune) expérimentales ont été mises en place avec comme objectif d’établir une comparaison de rendement entre les parcelles sans biochar enrichies à l’engrais chimique, au compost et la parcelle avec biochar.

« Au terme de 2023, les parcelles ayant reçu le biochar comme amendement avaient le rendement le plus élevé, soit environ 4,24 tonnes à l’hectare (t/ha), suivies des parcelles ayant reçu le compost comme amendement où les rendements étaient de 3,60 à 3,67 t/ha et des parcelles ayant reçu l’engrais chimique (3,46 et 3,59 t/ha). Les rendements les plus faibles ont été obtenus avec les parcelles témoin n’ayant pas reçu de traitement, soit 2,93 t/ha », déclare Magloire Tene.

Christiane Pani, agricultrice dans la ville de Yoko, fait partie des bénéficiaires de cette innovation. Elle affirme qu’au terme d’une expérience menée dans quatre parcelles, dont deux enrichies au biochar, avec des semences de maïs améliorées et des semences traditionnelles, la récolte a été plus importante dans la parcelle enrichie, qui a reçu les graines améliorées.

« La parcelle qui suivait était celle sans biochar avec semence améliorée, ensuite la parcelle enrichie, avec semence traditionnelle et enfin celle sans biochar, avec semence traditionnelle. Nous avons vu que le biochar est vraiment bien pour restaurer le sol et ce résultat a motivé plusieurs femmes à adopter cette technique », dit-elle.

Selon Appolinaire Tetang, ingénieur agronome au Service d’appui aux initiatives locales de développement (SAILD), le biochar est un tampon pour l’acidité du sol. « Il retient les nutriments dans le sol, améliore la croissance et la productivité des plantes, ce qui augmente la disponibilité de la nourriture et donc la sécurité alimentaire », soutient-il.

Avantages écologiques

« L’utilisation de ce produit 100 % naturel est recommandée pour l’agriculture. C’est un amendement très riche qui va booster les nutriments et favoriser la durabilité des sols, ce qui va contribuer à l’augmentation des rendements », renchérit Toussaint Mefoe, CEO de l’organisation Saint Charcoal, spécialisée dans le recyclage et la valorisation des déchets municipaux, des déchets organiques ménagers et des déchets agricoles.

Magloire Tene ajoute que le processus de fabrication de cet engrais biologique présente des avantages écologiques et économiques significatifs.

« En réduisant les déchets organiques et en séquestrant le carbone, le biochar contribue à la réduction des impacts environnementaux négatifs. La production du biochar offre une opportunité de valorisation des résidus agricoles et des déchets organiques, transformant ce qui serait autrement un déchet en une ressource précieuse », précise-t-il.

En effet, à en croire Appolinaire Tetang, presque toutes les matières premières organiques peuvent être utilisées pour produire le biochar, notamment les résidus de cultures agricoles tels que la balle de riz, les tiges de manioc, les coques de cabosse de cacao, les coques de café, les coques d’arachide, les coques de noix de coco. Les sous-produits forestiers tels que la sciure de bois, les copeaux de bois, les branchages. Les fumiers d’animaux.

Pour le chef de projet, l’application de biochar peut être adaptée à toutes les saisons et à différentes régions du Cameroun, avec des ajustements spécifiques en fonction des conditions locales.

••••••

Cet article, initialement publié sur Scidev.net, a été repris sur Sciences de chez Nous avec l’approbation de Fatoumata Diallo, rédactrice en chef de Sciences de chez Nous.

➤ Bien que nous ayons mis en place un processus éditorial robuste et bien rodé, nous ne sommes qu’humains. Si vous repérez des erreurs ou des coquilles dans nos productions, veuillez-nous en informer par courriel à l’adresse : correction@sciencesdecheznous.com.

Contactez-nous sur WhatsApp

vous pourriez aussi aimer
Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.