Phosphore d’aluminium : un pesticide dangereux, pas un remède contre les moustiques

Dans une publication virale sur Facebook, l’auteur présente une image de comprimés d’une teinte gris-noir, utilisés contre des moustiques et accompagnée de photos de personnes allongées au sol, manifestement dans un état d’inconscience prononcé. Une légende accompagne ces images, exhortant à la prudence face à ces comprimés. Sciences de chez nous a mené une enquête révélant que ces gélules sont en fait du phosphure d’aluminium. Cependant, derrière cette publication se dissimule un mensonge de grande envergure. Décryptage…

Capture de la publication

Cette image a été capturée sur Facebook et contient le nom de son auteur. © SDCN

Sciences de chez nous a identifié les comprimés en effectuant une recherche d’images inversées sur Google à partir de la photo présentée dans la publication. Ces pilules ont été répertoriées sur le site de la société indienne Exporters India, sur la plateforme de vente en ligne certifiée Made-in-China et sur le site éducatif Chemistry Learner comme étant du phosphure d’aluminium (appelé aluminium phosphide en anglais). Il s’agit d’un composé chimique principalement utilisé comme pesticide fumigène en milieu agricole.

 

Joint au téléphone, Pr Moussa Cissé, responsable de l’Unité d’Entomologie  du Laboratoire de Biologie Moléculaire Appliquée de Bamako, a déclaré que ce produit n’était pas efficace dans dans le lutte contre les moustiques et qu’il présentait “des dangers pour la santé humaine et l’environnement”.

« Le phosphure d’aluminium est un produit utilisé pour combattre les rats et les insectes des stocks de grains« , a expliqué le professeur Cissé. « Il est très efficace contre ces cibles, mais bien moins contre les moustiques.« 

Utiliser du phosphure d’aluminium contre les moustiques reviendrait à utiliser un char de combat pour éliminer un moustique« , a souligné le professeur Cissé, précisant que « son accès est strictement contrôlé en raison de son coût élevé et de son utilisation dans la fabrication d’explosifs.« 

Des cas de décès

Selon une étude rétrospective menée au Centre hospitalier universitaire Hassan II de Fès, au Maroc, de 2009 à 2012, 47 patients ont été intoxiqués au phosphure d’aluminium. Les chercheurs indiquent que dans 95,7% des cas, ces intoxications étaient motivées par un acte suicidaire, avec une ingestion moyenne d’un comprimé.

Une autre étude publiée dans la revue scientifique « Toxicologie Analytique et Clinique » a mis en évidence une corrélation entre le phosphure d’aluminium et un taux de mortalité significatif parmi les populations des pays en développement.

Les décès consécutifs à l’ingestion du phosphure d’aluminium surviennent généralement dans les 24 premières heures et sont principalement attribuables à la cardiotoxicité. Parmi les autres causes de décès relevées, on compte les hémorragies gastro-intestinales, les déséquilibres métaboliques, les arythmies cardiaques ainsi que l’insuffisance hépatique.

Le phosphure d’aluminium  est bel et bien toxique pour l’homme, comme l’affirme l’auteur de la publication. Cependant, les images qui l’accompagnent sont dénuées de contexte.

Publication douteuse

Les clichés de personnes gisant au sol dans la publication ont été identifiés comme des instants capturés lors de la dispersion des partisans de Succès Masra, un opposant tchadien, à N’Djamena, au Tchad, le 9 septembre 2022. Ce jour-là, la police a fait usage de gaz lacrymogènes alors que Masra se rendait au tribunal suite à une convocation. Succès Masra, à la tête du parti politique « Les Transformateurs », a posté une série d’une vingtaine de photos et de vidéos sur sa page Facebook certifiée à la suite de ces troubles civils. Parmi ces images figurent celles qui ont été partagées dans la publication qui fait l’objet de notre enquête.

Conclusion

Le phosphure d’aluminium, un pesticide fumigène antiparasitaire utilisé en agriculture, pose des risques pour la santé humaine et l’environnement. Cependant, il est crucial de prendre du recul face à cette publication montrant des personnes allongées au sol, supposées être des victimes d’ingestion de ce composé. Ces images représentent en réalité des manifestants au Tchad lors d’une manifestation où la police a utilisé des gaz lacrymogènes.

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Cet article a été rédigé par Rose Lamah et édité par Ani Tchétché, éditeur d’articles à Sciences de chez nous. L’article a été approuvé pour publication par la rédactrice en chef de Sciences de chez Nous, Fatimatou Diallo. 

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