Que vérifions-nous?
Une vidéo publiée sur TikTok le 11 octobre 2024 affirme que l’ail peut guérir définitivement l’asthme. Elle propose une recette maison à base de 20 gousses d’ail râpées pour obtenir une pâte, mélangée à 100 ml de miel jusqu’à homogénéité. La préparation doit reposer six heures avant consommation, avec une posologie recommandée d’une cuillère à café trois fois par jour (matin, midi, soir). Selon l’auteur de la vidéo, ce remède est adapté aux enfants de 5 ans et aux adultes.
Verdict
Cette allégation ne repose sur aucune preuve scientifique tangible.
Pourquoi ce verdict ?
Pour aboutir à ce verdict, Sciences Check a effectué des recherches documentaires dans les revues scientifiques et interrogé des experts. Notre enquête a montré que l’asthme est une pathologie qui ne guérit pas.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies respiratoires non transmissible qui affecte autant les enfants que les adultes. En 2019, elle touchait environ 262 millions de personnes dans le monde et était responsable de 455 000 décès.
D’après une étude réalisée en 2006 dans un échantillon de centres de santé de Bamako (Mali), environ 8 personnes sur 100 consultations souffraient d’asthme en cette période. Une autre étude, menée entre 1997 et 1998 au CHU Point G, rapporte que près de 15% des patients consultant pour des problèmes respiratoires, souffraient d’asthme. Les patients étaient majoritairement de jeunes adultes âgés en moyenne de 31 ans, avec une légère prédominance féminine représentant 56% des cas.
Selon la FAO, le Mali a produit en 2020, 14.944,86 tonnes d’ail, souvent utilisé comme condiment ou assaisonnement, et non comme aliment de base, contrairement aux céréales, aux tubercules ou aux légumineuses. Si l’ail était un remède miracle contre l’asthme, il permettrait de résoudre définitivement ce problème de santé publique.
De la médecine traditionnelle…
L’ail, de son nom scientifique Allium sativum, est une plante cultivée et consommée depuis des siècles, reconnue pour ses nombreuses propriétés médicinales dans la médecine traditionnelle. Selon l’OMS, son usage est considéré comme « cliniquement établi » en tant que traitement complémentaire destiné à réduire les taux de lipides dans le sang, tels que le cholestérol et les triglycérides. L’OMS reconnaît également que l’ail peut être utile dans la gestion de l’hypertension artérielle modérée.
Cependant l’OMS classe comme traditionnel l’usage de l’ail pour traiter divers troubles, comme les infections respiratoires, les vers intestinaux, les troubles digestifs, ainsi que l’arthrose.
De plus, la pharmacopée d’Afrique de l’Ouest indique que l’ail est « utilisé en externe pour traiter l’arthrite, les cors, les verrues, les névralgies, la fièvre, la toux, les flatulences, l’ulcère, la raucité de la voix, la bronchite et autres problèmes respiratoires, les maladies de la peau, les brûlures, l’otite et l’amygdalite, les rhumatismes, la tuberculose, la typhoïde, l’artériosclérose, le diabète, l’hyperlipidémie et la prévention de l’athérosclérose (en fonction de l’âge) des changements vasculaires ».
Lors d’une interview accordée à Sciences Check, le tradithérapeute Lassana Sidi Mouleïkafou, fondateur de l’Association pour la promotion des pharmacopées du Mali (Apropham), décoré Trésor Humain Vivant de l’UNESCO, a nuancé : « L’ail et le miel sont certes des remèdes très efficaces en médecine traditionnelle contre certaines pathologies, mais leur utilisation pour guérir définitivement l’asthme n’est pas totalement vérifiée. »
Interrogé par le média Studio Tamani, Toloba Yacouba, Professeur titulaire en cardiologie à la Faculté de Médecine et d’Odonto-Stomatologie de Bamako, a rappelé que l’asthme reste une maladie chronique incurable. Il précise toutefois : « Après une crise asthmatique, si la prise en charge est bien faite, le malade peut vivre le reste de sa vie sans faire de nouvelles crises. Cela peut s’apparenter à une guérison. »
Si l’ail conserve une place privilégiée dans les pharmacopées traditionnelles, son rôle dans la guérison de l’asthme mérite encore d’être éclairé par des recherches approfondies.
…à la validation scientifique
Joint au téléphone par Sciences Check, le Professeur Bah Kéita, pneumologue et ancien représentant de l’OMS, a systématiquement rejeté – l’idée selon laquelle le mélange de l’ail et du miel puisse guérir l’asthme. « Il n’existe aucune preuve scientifique soutenant cette allégation », a-t-il souligné.
Ses propos ont été corroborés par le Professeur Toloba Yacouba, qui précise que « l’ail possède certes des propriétés bronchodilatatrices mais ne guérit pas l’asthme ».
À contrario, une exposition répétée à la poudre d’ail peut provoquer un asthme, a montré une étude publiée dans la bibliothèque des Instituts nationaux de santé (NIH)..
Des cas d’allergies professionnelles, notamment chez des travailleurs manipulant l’ail, ont été documentés. Sur 12 patients souffrant de symptômes d’asthme, 7 présentaient une allergie à la poussière d’ail qui provoquait des crises sévères. Ce type d’asthme, un peu rare, affecte les personnes sensibles aux pollens et à d’autres membres de la famille des Liliacées, comme l’oignon et le poireau.
Conclusion
Bien que l’ail soit largement utilisé en médecine traditionnelle pour soulager diverses pathologies, aucune preuve scientifique solide ne permet d’affirmer qu’il peut guérir définitivement l’asthme. Au contraire, notre enquête a révélé que, dans certains cas, l’ail peut même être à l’origine de problèmes de santé, notamment chez les personnes sensibles.
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Sciences Check est un programme de Sciences de chez Nous qui se concentre exclusivement sur la vérification des faits scientifiques, notamment en démystifiant les affirmations fausses et trompeuses formulées par certains acteurs pour influencer les politiques publiques. Nous sommes membre de l’Alliance Africaine de Vérification des faits.
Cette vérification des faits a été rédigée par Emmanuel Ta et approuvée pour publication par le rédacteur en chef de Sciences de chez Nous, Yacouba Sangaré.
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