20 espèces marines jusqu’alors inconnues découvertes dans les abysses du Pacifique

Casper, le rarissime poulpe découvert en 2016, a aussi été vu lors de l'expédition récente de l'Institut océanographique Schmidt, cofondé par l'ancien PDG de Google, au large du Pérou. Cette moisson illustre l'extraordinaire biodiversité d'un écosystème fragile et menacé.

Et de trois… Et de vingt ! C’est la 3e fois cette année que l’Institut océanographique Schmidt (IOS) organise une expédition dans les abysses de la dorsale de Nazca, une chaîne de montagnes sous-marine située dans l’océan Pacifique, au large des côtes péruviennes. Après celles de janvier et de février, cette nouvelle mission menée à l’été 2024 a été riche de trouvailles animales.

Il y aura là, estime l’équipe, « 20 nouvelles espèces potentielles ». Mais aussi les représentant d’autres, déjà connues, bien que rarissimes. Ainsi ce mignon céphalopode : l’espèce a été découverte en 2016 et surnommée Casper, en référence au petit fantôme du dessin animé. Elle n’a pas encore été décrite scientifiquement ni nommée officiellement, « car aucun spécimen n’a été collecté jusqu’à présent », explique l’IOS, qui a pris ces images à une profondeur de 4 443 mètres.

L’initiative Ocean Census

L’IOS est une organisation privée fondée par l’ancien PDG de Google Eric Schmidt et son épouse Wendy Schmidt. Une filiation qui ne surprendra pas, tant l’IOS se caractérise par l’emploi de technologies de pointe pour l’exploration des fonds océaniques. Ainsi, en collaboration avec des chercheurs de divers instituts, l’équipe a utilisé des sous-marins, des drones sous-marins, et des caméras haute résolution pour collecter des échantillons à des profondeurs allant jusqu’à 2 000 mètres, et en filmer d’autres au-delà, à l’instar de Casper.

Ces expéditions sont opérées dans le cadre d’Ocean Census, une initiative mondiale de recherche océanographique dédiée à la découverte nouvelles espèces marines, lancée par l’IOS et l’organisation caritative britannique Nekton. L’idée est de combler les lacunes de notre compréhension de la biodiversité marine, les abysses demeurant une large terra incognita.

Une biodiversité marine stupéfiante

Parmi les trouvailles de ce nouveau volet de l’initiative Ocean Census figurent des coraux, des poissons, des mollusques, des crustacés, des éponges… Ces organismes vivent dans des environnements extrêmes, où la pression est intense, la lumière quasi-inexistante et les températures sont très basses.

Il s\'agit des premières images d\'un calmar vivant du genre Promachoteuthis. Jusqu\'à présent, ce genre de calmar n\'avait été caractérisé qu\'à partir de spécimens morts trouvés dans des filets. Le calmar a été documenté lors de la plongée 693, pendant l\'exploration d\'un mont sous-marin sans nom (désigné en interne sous le nom de T06) le long de la crête de Nazca, au large des côtes du Chili.

Un calmar du genre Promachoteuthis. Il a été filmé pendant l’exploration d’un mont sous-marin le long de la crête de Nazca, au large des côtes du Chili. Crédit : ROV SuBastian / Schmidt Ocean Institute.

L’équipe à bord du Falkor (too) de l’Institut océanographique Schmidt (SOI) « a réussi à capturer les toutes premières images d’un calmar vivant du genre Promachoteuthis, si insaisissable que seulement trois espèces ont été identifiées, dont la plupart des spécimens collectés remontent à la fin des années 1800. Auparavant, ce genre n’était connu que par des spécimens morts récupérés dans des filets », est-il précisé par Ocean Census.

Ci-dessous, le témoignage de Erin Easton, de l’Université du Texas, Vallée du Rio Grande, qui était à bord du navire océanographique Falkor (too) de l’IOS.

Source d’émerveillement, les découvertes de cette expédition pourraient avoir des implications majeures pour la science marine et la conservation des océans : identifier de nouvelles espèces est essentiel pour comprendre la diversité des écosystèmes marins.

Pareille expédition peut aussi permettre d’affiner les stratégies de conservation, particulièrement dans des habitats aussi fragiles et vulnérables que les profondeurs océaniques. Par ailleurs, certaines de ces nouvelles espèces pourraient présenter des caractéristiques biologiques uniques qui ouvriraient de nouvelles perspectives pour la recherche médicale ou biotechnologique.

La menace de l’exploitation minière des fonds marins

Les scientifiques impliqués dans l’expédition ont également souligné l’importance de protéger ces écosystèmes sous-marins uniques contre les menaces telles que le changement climatique, la pêche non durable, et l’exploitation minière des fonds marins.

L’exploitation minière des fonds marins ? Ce projet vise à extraire des métaux rares et précieux, tels que le nickel, le cobalt, et les terres rares, des grands fonds océaniques. Ces ressources sont convoitées pour les technologies vertes et numériques.

Cependant, cette perspective suscite une forte opposition en raison de ses impacts potentiellement dévastateurs sur les écosystèmes marins, encore largement méconnus.

Les scientifiques et les défenseurs de l’environnement craignent en effet des dommages irréversibles à la biodiversité sous-marine. Ainsi, Casper pond ses oeufs dans l’environnement des fameux nodules polymétalliques : labourer le sol pour les prélever reviendrait à une mise à mort du petit céphalopode…

D’où ces voix qui appellent à une réglementation stricte, voire à un moratoire, pour éviter des destructions écologiques. Les nouvelles créatures de Nazca sont autant d’arguments qui vont dans le sens de cette prudence.

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Cet article, initialement publié sur Sciences et Avenir, a été repris sur Sciences de chez Nous avec l’approbation de Yacouba Sangaré, rédacteur en chef de Sciences de chez Nous.

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