Le lancement d’un nouveau médicament abordable pour la prévention du VIH/sida, perçue comme une avancée dans la lutte pour mettre fin à cette épidémie mondiale, doit s’accompagner d’efforts plus importants pour le rendre accessible, affirment des militants.
Le Lénacapavir, une injection biannuelle, sera disponible dans 120 pays à revenu faible et intermédiaire au prix de 40 dollars par an, dans le cadre de nouveaux accords de licence entre la société pharmaceutique américaine Gilead Sciences et des fabricants de médicaments génériques en Inde.
En partenariat avec la Fondation Gates et Unitaid , le médicament devrait être déployé à partir de 2027, sous réserve de l’approbation réglementaire.
“Le financement est essentiel pour les campagnes de sensibilisation, la formation des professionnels de santé, l’approvisionnement, la livraison et la distribution… Les coupes dans le financement des programmes de lutte contre le VIH constituent donc un obstacle majeur à l’accès à ces médicaments efficaces”
Mohga Kamal-Yanni, People’s Medicines Alliance
Les bailleurs de fonds ont salué ces accords annoncés fin septembre 2025 comme une avancée majeure dans la lutte pour mettre fin à l’épidémie mondiale de VIH/SIDA, qui touche 40,8 millions de personnes.
Toutefois, les défenseurs de l’accès aux médicaments craignent que des pays à revenu intermédiaire, dans les régions où les taux de VIH augmentent, soient exclus de ces accords de licence et autres avec Gilead Sciences.
La Coalition internationale pour la préparation au traitement (ITPC), qui cherche à faire baisser le prix du traitement contre le VIH, la tuberculose et l’hépatite C à travers sa campagne « Make Medicines Affordable », a condamné l’exclusion de « dizaines de pays » des accords de licence du Lénacapavir, dans des régions comme l’Amérique latine, l’Afrique du Nord et l’Asie.
« Les communautés des pays dits « à revenu intermédiaire » sont traitées comme si elles pouvaient se permettre des prix de monopole ; mais la réalité est que les systèmes de santé s’effondrent, les programmes sont réduits et des millions de personnes se verront refuser la prévention qui pourrait mettre fin au sida », déclare Solange Baptiste, directrice exécutive de l’ITPC.
Génériques
Dans le cadre de ces accords annoncés en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, la Fondation Gates soutiendra la société pharmaceutique indienne Hetero avec un financement initial et des garanties de volume pour lui permettre de fabriquer et de vendre du Lénacapavir générique pour environ 40 dollars par patient ; un prix considéré comme abordable pour la plupart des pays à revenu faible et intermédiaire.
La fondation affirme avoir investi plus de 80 millions de dollars pour accélérer la mise sur le marché, étendre la livraison et raccourcir le délai d’entrée sur le marché générique du Lénacapavir.
Dans le même temps, la Clinton Health Access Initiative (CHAI), Unitaid et l’institut de recherche sud-africain Wits RHI fourniront à Dr Reddy’s, un autre fabricant indien de médicaments, un soutien financier, technique et réglementaire pour fournir des versions génériques du médicament aux pays à revenu faible et intermédiaire à partir de 2027, au même prix.
Ces nouvelles collaborations font suite à des accords antérieurs entre le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Gilead Sciences et le Département d’État américain par l’intermédiaire du PEPFAR, et soutenus par la Children’s Investment Fund Foundation.
Dans le cadre de l’accord précédent, Gilead Sciences a déclaré qu’il espérait atteindre 2 millions de personnes au cours des trois prochaines années, le déploiement devant commencer dans les pays soutenus par le Fonds mondial d’ici la fin de 2025 .
Gilead Sciences a signé des accords de licence volontaires en octobre 2024 avec six fabricants de génériques : Dr. Reddy’s, Hetero et son homologue indien Emcure, Eva Pharma, basée en Égypte, Ferozsons Laboratories Limited, au Pakistan, et Mylan, une filiale de la société américaine Viatris.
Elle affirme qu’elle fournira du Lénacapavir aux pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure soutenus par le Fonds mondial et le PEPFAR jusqu’à ce que les fabricants de génériques puissent répondre à la demande.
Priorité à 18 pays
Selon Access to Medicine Foundation, une organisation à but non lucratif qui encourage les entreprises pharmaceutiques à améliorer l’accès aux médicaments dans les pays pauvres, 17 pays à revenu faible ou intermédiaire couverts par son Indice d’accès aux médicaments sont exclus des accords de licence.
L’organisation indique que ces pays, principalement situés en Amérique centrale et en Amérique du Sud, représentaient 19 % des nouveaux cas de VIH en 2023. La plupart de ces pays sont classés par la Banque mondiale comme pays à revenu intermédiaire.
Dans une déclaration faite à SciDev.Net , Gilead Sciences explique qu’elle a donné la priorité aux 18 pays qui représentent 70 % du fardeau du VIH des 120 pays nommés dans les accords de licence volontaire, à savoir : Botswana, Eswatini, Éthiopie, Kenya, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, Nigeria, Rwanda, Afrique du Sud, Tanzanie, Ouganda, Zambie, Zimbabwe, Philippines, Thaïlande et Vietnam.
« Dans les pays à revenu intermédiaire en dehors de la région d’octroi de licences volontaires, nous travaillons avec les gouvernements et les organismes régionaux pour définir et rechercher les voies d’accès les plus rapides », indique l’organisation, évoquant des discussions en cours avec l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) pour élargir l’accès à ce médicament en Amérique latine.
En 2024, 1,3 million de nouvelles infections au VIH ont été contractées dans le monde, selon l’ONUSIDA .
Une récente étude publiée dans The Lancet HIV suggère que le Lénacapavir pourrait réduire significativement les infections à VIH en tant que prophylaxie pré-exposition (PrEP), utilisée pour prévenir l’infection par voie sexuelle ou par la consommation de drogues.
Ladite étude montre qu’élargir l’accès au médicament à seulement 4 % de la population dans les pays fortement touchés pourrait prévenir jusqu’à 20 % des nouvelles infections.
Mohga Kamal-Yanni, consultante en santé mondiale et en accès aux médicaments et responsable des politiques pour la People’s Medicines Alliance — un groupe de pression pour l’accès aux médicaments — souligne que cela nécessitera des investissements au-delà de la production de médicaments.
« Le financement est essentiel pour les campagnes de sensibilisation, la formation des professionnels de santé, l’approvisionnement, la livraison et la distribution… Les coupes dans le financement des programmes de lutte contre le VIH constituent donc un obstacle majeur à l’accès à ces médicaments efficaces », confie-t-elle à SciDev.Net.
Clause de confidentialité
Pour les pays non couverts par l’accord de 40 dollars par an, Kamal-Yanni estime qu’il doit y avoir plus de transparence autour des prix de Gilead Sciences.
« Gilead Sciences n’a pas annoncé son prix. En fait, son accord actuel avec le Fonds mondial contient une clause garantissant la confidentialité », croit-elle savoir.
Elle souligne également l’exclusion des pays présentant des taux d’infection élevés des accords de licence de Gilead Sciences.
Dans sa déclaration, Gilead Sciences affirme que le prix est confidentiel mais a ajoute : « En vertu de l’accord de partenariat stratégique entre Gilead et le Fonds mondial, et de l’annonce ultérieure d’un partenariat avec le PEPFAR, les prix de Gilead reflètent le coût de production et de distribution du Lénacapavir, sans bénéfice pour l’entreprise. »
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Cet article a été écrit par SciDev.Net et repris pour publication sur Sciences de chez Nous.
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