Depuis mai 2024, la gestion des données à caractère personnel au Mali a connu un tournant majeur : jusque-là, les déclarations de traitement à l’Autorité de Protection des Données Personnelles (APDP) étaient gratuites, selon un régime purement déclaratif. Désormais, avec le décret n°2024-0300/PT-RM du 14 mai 2024, tout traitement de données, même dans le secteur de la santé, est soumis à un paiement obligatoire : 25 000 F CFA pour une personne physique, jusqu’à 100 000 F CFA pour une structure privée, et davantage pour une autorisation ou une certification. Cette évolution alourdit la charge administrative et financière pour les cliniques privées et les médecins libéraux, contraints d’intégrer ces coûts dans leur budget déjà fragile (APDP Mali, 2024).
Au Sénégal, la Commission de Protection des Données Personnelles (CDP) maintient un cadre bien plus souple : il n’y a pas de frais de déclaration ou d’autorisation, même pour les données sensibles ou médicales (CDP Sénégal, procédure). Les professionnels doivent toutefois obtenir une autorisation préalable, avec un délai d’instruction moyen d’un mois, mais la gratuité réduit la barrière à la conformité, malgré des complexités administratives persistantes (CDP Sénégal, rapport annuel 2022).
En France, la CNIL applique les principes du RGPD. Pour les recherches en santé non interventionnelles ou les soins courants, la méthodologie de référence MR-004 permet une déclaration gratuite (CNIL, MR-004). Pour des traitements complexes ou innovants, une autorisation peut être exigée, parfois assortie de frais dits « modiques » (CNIL, Frais). La CNIL met à disposition un ensemble d’outils, de guides et d’accompagnement en ligne pour faciliter la conformité (CNIL, Outils professionnels santé).
Au Burkina Faso, la Stratégie Nationale de Santé Communautaire 2024-2028 promeut la numérisation des interventions, intégrant la protection des données personnelles, mais sans institutionnaliser de frais pour les démarches administratives liées aux données de santé (Ministère Santé Burkina Faso, 2024-2028). Le pilotage reste axé sur la qualité, l’éthique, et la conformité aux standards internationaux, en particulier via des partenariats avec l’OMS et d’autres organes spécialisés (OMS Burkina Faso, 2023).
Au Niger, la Haute Autorité de Protection des Données à caractère Personnel (HAPDP), renforcée par la Loi n°2022-59 du 24 novembre 2022, impose des obligations de conformité et de contrôle, notamment dans la santé, mais aucun régime tarifaire systématique n’est instauré pour les professionnels de santé. L’accent est mis sur la sensibilisation et la conformité administrative, sans sanction économique pour les acteurs du secteur (HAPDP Niger, 2022; Rapport annuel HAPDP Niger, 2023).
Comparaison et enjeux
- Au Mali, une taxation élevée et uniforme s’applique désormais, représentant une pression supplémentaire sur les professionnels de santé déjà fragilisés (1).
- Le Sénégal et la France privilégient la gratuité (pour les démarches courantes) et l’accompagnement pédagogique (2,4,6).
- Au Burkina Faso et au Niger, l’accent est mis sur le développement numérique, la conformité éthique et la coopération internationale, sans imposer de frais spécifiques aux démarches administratives en santé (7,8,9,10).
- La pression financière au Mali est donc atypique : ailleurs, la priorité est donnée à l’environnement réglementaire, l’accompagnement et la formation.
Ces différences créent des écarts réels dans l’accès à la conformité et la sécurité des données médicales, risquant d’exacerber encore l’inégalité d’accès aux standards éthiques et juridiques selon les pays.
Dans le secteur spécifique de la santé, ces différences ne sont pas anodines. Les données médicales, par leur sensibilité, exigent un traitement rigoureux, mais leur gestion ne doit pas devenir un frein à la pratique. Au Mali, sans révision des tarifs ou dispositif d’appui spécifique aux professionnels de santé, on risque d’aboutir à une situation où la conformité devient un luxe, en tout cas pour le secteur privé. Le paradoxe est alors évident : les médecins, dont l’activité repose précisément sur la confidentialité et la rigueur dans le traitement des données sensibles, se voient imposer une charge disproportionnée, là où l’État devrait plutôt faciliter l’alignement éthique et juridique.
Bibliographie
- Autorité de Protection des Données Personnelles du Mali. Décret n°2024-0300/PT-RM du 14 mai 2024 relatif aux modalités de déclaration et d’autorisation de traitement des données à caractère personnel. http://apdp.ml
- Commission de Protection des Données Personnelles (CDP) Sénégal. Procédure d’autorisation préalable. https://www.cdp.sn/fr/procedure/autorisation-prealable
- Commission de Protection des Données Personnelles (CDP) Sénégal. Rapport annuel 2022, “Délais d’instruction des demandes et difficultés administratives”. https://www.cdp.sn/fr/rapport-annuel-2022
- Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) France. Méthodologie de Référence MR-004. https://www.cnil.fr/fr/declaration/mr-004
- Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) France. “Frais liés à l’instruction des autorisations”. https://www.cnil.fr/fr/autorisation
- Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) France. Guides et outils pour les professionnels de santé. https://www.cnil.fr/fr/professionnels-sante
- Ministère de la Santé du Burkina Faso. Stratégie Nationale de Santé Communautaire 2024-2028. https://www.sante.gov.bf/
- Organisation mondiale de la santé (OMS), Bureau Afrique. Rapport sur la numérisation des systèmes de santé au Burkina Faso, 2023. https://www.afro.who.int/fr/countries/burkina-faso
- République du Niger. Loi n°2022-59 du 24 novembre 2022 portant protection des données à caractère personnel au Niger. https://hapdp.ne
- Haute Autorité de Protection des Données à caractère Personnel (HAPDP) Niger. Rapport annuel 2023. https://hapdp.ne/rapports/annuel-2023
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Cette tribune a été rédigée par le Dr Ousmane Ly, expert en santé numérique et doctorant en intelligence artificielle de la santé. Cet article a été approuvé pour publication par la rédactrice en cheffe de Sciences de chez Nous, Fatimatou Diallo.
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NB : ce texte a été corrigé par des outils d’intelligence artificielle.