Atelier du CAMES à Bamako : le Pr Abdoulaye Dabo questionne l’écart entre les stratégies et le financement réel

Alors que Bamako s’apprête à accueillir un atelier fondateur pour redynamiser la recherche dans l’espace CAMES en janvier 2026, le professeur Abdoulaye Dabo, ancien directeur du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST), questionne la traduction effective des discours en actions.

Bamako sera, du 19 au 23 janvier 2026, l’épicentre d’une réflexion pour l’avenir de la recherche scientifique en Afrique francophone. Le Mali y accueillera l’atelier fondateur sur la stratégie de redynamisation de la recherche dans l’espace CAMES, une initiative inscrite au plan stratégique 2024-2028 de l’institution. L’objectif officiel est de faire de la recherche un « levier structurant du développement socio-économique » en élaborant une feuille de route pour renforcer les capacités et l’innovation.

Cependant, cet élan est immédiatement tempéré par une analyse sans concession du Professeur Abdoulaye Dabo. Si celui-ci salue l’initiative, il en questionne surtout la traduction effective, pointant du doigt un problème structurel : « les décisions et recommandations prises au cours des ateliers connaissent rarement un début d’exécution sur le terrain ».

Son commentaire dresse un bilan lucide des obstacles. Au-delà de la précarité des laboratoires et du manque de ressources humaines, Pr Dabo identifie le financement comme la pierre d’achoppement principale. Il reconnaît des « acquis » dans les domaines agricole et biomédical, mais note amèrement que ces succès reposent sur « les bailleurs extérieurs » et le secteur privé local brille « par son absence ».

Le FCRIT, symbole d’un abandon

Pour soutenir son argumentation, le Pr Dabo utilise l’exemple du Fonds Compétitif pour la Recherche et l’Innovation Technologique (FCRIT) comme illustration parfaite du paradoxe et de l’échec des volontés affichées. Alors que ce mécanisme, une « initiative heureuse », était destiné à soutenir concrètement les chercheurs, il est « brutalement freiné on ne sait pourquoi et comment ». Cette situation laisse en suspens le devenir des projets en cours et questionne la pertinence de projets conçus il y a plusieurs années mais toujours en attente dans les tiroirs.

Il balaie l’argument souvent avancé de l’insécurité. Selon l’ancien directeur du CNRST,  si les raisons de sécurité nationale avancée  sont une réalité à juguler, elles ne sauraient justifier l’abandon total d’un secteur aussi vital comme la recherche scientifique.  Pr Dabo pointe surtout un paradoxe financier. Le FCRIT, dont la source de financement devait provenir des recettes fiscales du fonds de solidarité, qui connaît pourtant un « boom extraordinaire », est laissé à l’abandon. « Pendant ce temps, le FCRIT mourra de sa belle mort », déplore-t-il.

Une interpellation directe aux gouvernants

Le constat du Pr Dabo est une interpellation directe à l’égard des dirigeants. Le chercheur dénonce leur « paradoxe » qui consiste à « brandir chaque fois que l’occasion se présente les trophées de nos chercheurs dans tous les médias » tout en sachant que ces succès sont le fruit de financements étrangers, masquant leur propre défaut de soutien.

Pour lui, la recherche ne pourra jouer son rôle de « vecteur de développement » au Mali sans une « volonté politique affichée » et des ressources « conséquentes ». Il rappelle l’engagement de l’Union Africaine d’allouer 1% du PIB à la recherche, avant de lancer une question rhétorique et cinglante à l’ensemble de l’espace CAMES : « Mais quel est le pays de l’espace CAMES qui à ce jour en est parvenu? ».

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Cet a été écrit par Mardochée Boli pour Sciences de chez Nous

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